Ma quasi aventure chez les Qataris

Un jour que j'avais eu rendez-vous avec un agent d'illustrateurs qui habitait un tour d'habitation de la Défense,
je suis ressorti, mon grand carton à dessins sous le bras, c'était l'hiver, il faisait déjà nuit, et j'ai paumé tous mes repères.
Après être passé sur une passerelle piéton, toujours complètement largué, il y avait de la lumière dans le hall d'un l'immeuble,
je suis entré, avec l'intention de demander mon chemin, et il avait dans ce qui me semblait être la réception,
quatre jeunes hommes discutant, affalés dans des fauteuils. À leur coiffe, je me suis dit "pays du Golfe".

J'allais faire demi-tour sans demander mon reste quand l'un deux est venu vers moi, souriant, m'a demandé en anglais "may I help you?"
Je lui ai répondu "I'm lost, Sir, could you show me the way to the métro?" et lui: "please, come have a drink."
Je dois préciser que je parle un excellent franglais, en prenant soin d'y laisser délibérément un fort accent français.

Il me désigne un fauteuil, je pose mon carton à dessins, je m'installe, il me remplit une tasse en soulevant haut la théière, pose un sucrier,
me tend une petite cuillère, et montrant mon carton à dessin, "please, show me what's in."

Je ne peux évidemment pas refuser. j'ouvre mon carton à dessins, les autres se lèvent et tous viennent regarder.
Il se trouve qu'il y avait dedans entre autres 3 illustrations de plate-formes pétrolières faites d'après plans sur commande de "Bouygues Offshore".
L'un d'eux dit: "You're an Artist", un autre: "You should come to our country, there are plenty jobs for peoples like you."


La suite si ça vous intéresse je continuerai, autrement, je la remets dans ma culotte.  

Donc, tu es allé au Quatar ?

narduccio a écrit:

Donc, tu es allé au Quatar ?

Mais non, il se trouve que j'avais un ami, illustrateur de talent, qui y faisait de la décoration murale.
Sa copine qui habitait Paris m'a donné son numéro de turlu.
Je l'ai appelé et il m'a dit de ne surtout pas donner suite, qu'à moins d'être envoyé par une grosse boite,
arrivé sur place, je tomberai sous la coupe d'un "sponsor", qui s'arrangerait pour chopper mon passeport,
prélèverait un pourcentage conséquent sur les boulots à faire et ne me laisserait déguerpir que quand je serai moins rentable,
retour néanmoins assorti d'un très bon pécule, si toutefois j'arrivais à y vivre chichement ce qui est une gageure*.

*prononcer "gajure", et non "gajeure" comme le font les ploucs et le faisait Jacques Chirac: il s'agit d'un "e" muet destiné à adoucir le "g"

Suite et fin de l'histoire
Deux ans après, je reçois un coup de fil.
C'était mon copain qui était de retour à Paris, et téléphonait de chez sa copine d'assez bon matin. Il me dit de venir.
Archi content de le revoir, je saute dans mon froc, quelques ablutions et je file prendre le métro.
Arrivé chez elle, grandes tapes et coups de tête, puis petit dèj dans un café. Je lui demande comment il s'est évadé.
Il me raconte, son sponsor l'avait envoyé chez un proche parent de la famille régnante, il s'agissait de faire une peinture murale dans sa villa palatiale
Négociations, faut faire cher autrement t'es pas crédible, 2 jours après premier rendez-vous, présentation de la maquette du projet,
ce prince posant en tenue de bédouin devant son super 4x4 en premier plan, à l'arrière-plan la grande tente dudit bédouin
et sa famille proche assise à se désaltérer autour d'une table basse, quelques palmiers, le tout sur fond de désert montagneux.
Pour le matos, télégramme à leur ambassade à Paris qui a envoyé un de leurs employés chez Sennelier, expédition par avion le jour même.
Super content du boulot une fois réalisé, en deux semaines, le prince s'était pris d'amitié pour mon pote, s'était enquis de ses conditions de vie.
Mon copain a parlé de son passeport aux mains de son sponsor.
Le prince lui a envoyé un serviteur avec une liasse de billets, ordre de lever son "sponsoring", en français tutorat et de restituer le passeport.
Mon pote, rigolard, m'a dit, vu l'éminence de son protecteur, que c'est le chef de la police d'Abou Dabi qui le fournissait en Haschisch.
De retour chez sa copine, il ma montré une photo de sa peinture murale. Effectivement très réussie.
Il est reparti la semaine d'après.
A mon grand regret, depuis, je ne l'ai revu.

Oui c'est assez connu, les Qatari exploitent les travailleurs étrangers.

Oui j'apprécie beaucoup Merkel pour son intelligence mais sa politique ultralibérale, bof bof.
Ca fait plaisir aux électeurs qui ont du boulot, c'est vrai, mais ce n'est pas une solution à long terme.

Pour en revenir à mon sujet...
Je dois avouer que j'ai toujours un peu jalousé ce copain qui avait un vrai talent "naturel", s'il en est.
Un jour qu'il avait faim et la flemme de bouger, il a sorti ses crayons-feutre, et s'est mis à dessiner en peu de temps
une boite ouverte de petits pois plus vraie que nature boite visiblement ouverte avec une de ces petits ouvre-boite à levier pliants
qui ne sont plus fabriqués.

Moi, je n'ai pas de talent, mes crayonnés sont affreux, mais je compense par la technique.
J'ai fait beaux-arts archi, et comme le pourrais, donner des cours de dessin perspectif, ce que j'ai déjà fait,
ça explique que j'ai eu en commande ces illustrations de plate-formes pétrolières d'après plans,
mais j'ai été supplanté depuis pas mal de temps par l'informatique..

Ma petite fierté, c'est que j'ai 3 illustrations de monuments demi-page dans le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse
et que mon Château de Coucy a remplacé celui de Pierrefonds dans les petits Larousse illustrés.

Steph a écrit:

Oui j'apprécie beaucoup Merkel pour son intelligence mais sa politique ultralibérale, bof bof.
Ca fait plaisir aux électeurs qui ont du boulot, c'est vrai, mais ce n'est pas une solution à long terme.

Bah le grand patronat allemand il peut être soit ultra-libéral soit étatiste "Heil !" du moment que c'est son intérêt bien compris.