Blackout

Salut !

Rien à voir avec la chanson de Scorpions..
https://www.youtube.com/watch?v=kO5J-V_hhs8

Ma question concerne les annonces de risque de blackout pour cet hiver que les médias suisses répètent encore et encore !

Selon nos médias, il faut absolument prendre peur, stocker du bois, de la farine et toutes sortes de provisions de réserve (ou de réserves de provisions) car le blackout va nous frapper comme une 13ème Plaie d'Égypte !!
Ce blackout serait le résultat de la guerre en Ukraine et il nous menace parce que la Russie ne va plus nous livrer de gaz !

Étonnamment, lorsqu'un journaliste suisse a posé la question à un porte-parole d'EDF, ce dernier a répondu que la situation, à cause de l'Ukraine est effectivement inhabituelle mais qu'elle n'est pas fragile.

D'autres journalistes ont également affirmé que le risque de blackout est très réel parce que EDT a arrêté actuellement 25 réacteurs sur ses 55 centrales nucléaires !!
Pauvres d'eux, ils n'ont pas compris qu'il est préférable d'arrêter maintenant les réacteurs pour révision et maintenance et être capable de les redémarrer en octobre plutôt que d'attendre Noël ou Nouvel-An pour ce faire.

Alors, qui croire ??
Les médias suisses et leur alarmisme pénible ?
Ou le spécialiste EDF qui connait certainement mieux la situation actuelle et future ?

En fait, EDF est actuellement en ordre de bataille pour redémarrer le maximum de réacteurs pour la campagne d'hiver. L'ASN a validé les plans de réparations des fissures génériques détectées sur les paliers 1300-1400. Donc, coté EDF, la situation devrait s'améliorer.

Le problème vient d'ailleurs. En fait, EDF tout seul ne peut pas sauver le réseau européen. Si on regarde la situation lors de certaines journées d'hiver la production européenne était fournie par le nucléaire (EDF, les belges, les suisses, quelques centrales allemandes et quelques centrales dans d'anciens pays du bloc communiste) et la gaz et le charbon. Et l'hydraulicité lié aux Alpes. Sauf qu'il y a une sécheresse historique qui fait qu'on ne sait pas si les réservoirs seront remplis comme il faut.

Pour le gaz, il va falloir faire des arbitrages. Les réservoirs allemands devraient être remplis à environ 75%. Ceux des autres pays seront plus ou moins remplis. Apparemment, le pays qui risque d'avoir le plus de problèmes devrait être l'Italie. A un moment, dans certains pays, il faudra faire des arbitrages. Soit on réserve la gaz aux centrales électriques, soit on fourni les industriels et les particuliers.

Alors, il serait bon que les industriels et les particuliers prennent des décisions concernant les économies. Il est temps d'isoler au maximum les habitations. Il est temps de modifier les process industriels pour réduire la facture énergétique des pays.

Dans cette histoire, EDF sert de bouc émissaire. Pourquoi n'a-t-il pas fait en sorte que 100% de ses centrales nucléaires soient en fonctionnement ? On peut retourner la question : pourquoi régulièrement la ville de Genève demande la fermeture de la centrale du Bugey. Pourquoi les pays concernés n'ont pas pris les décisions nécessaires pour ne pas se mettre à l'abri d'un pays dont on discernait la dérive vers un nationalisme plus intransigeant ? Pourquoi l'anti-nucléarisme borné des allemands les a livrés pieds et mains liées à la volonté de Poutine ?

Hier, j'ai lu un article sur la situation énergétique du Royaume-Uni post brexit. En Europe, la facture énergétique moyenne a crû de 41%, Au RU, c'est de 215%. Et l'article se terminait en notant que les politiciens anglais avaient perdu quelque chose d'essentiel avec le brexit : leur bouc émissaire. Avant tout ce qui allait mal était dû à la "tyrannie" européenne qui imposait ses choix aux anglais. Maintenant qu'ils sont libre de cette tyrannie, ce qui va mal ne peut être que la conséquence de leurs choix.

Dans de nombreux journaux, qui suivent en cela pas mal de personnalités politiques, je vois ce recours systématique à des boucs émissaires. Actuellement, il semblerait que tout nous provenait d'Ukraine ou de Russie. Peut-être même ce qui arrivait chez nous avec la marque "Made in China"... Alors, quand les choses vont mal c'est la faute, à l'Europe, aux migrants, aux pauvres, aux riches, aux africains, aux chinois, aux islamistes, aux russes, aux ukrainiens, aux méchants scientifiques, aux agriculteurs, aux éleveurs, ...
Mais, quand je croise mes sources et que je me renseigne je constate que la cause de nos problème est souvent multifactorielle et que les solutions ne tiennent pas du YAKA. Bien au contraire. Et qu'une des grande cause est l'impossibilité de mener certaines réformes à bout car elles déplairaient à une grande partie de l'opinion. Assez grande partie pour perdre les prochaines élections. Sachant qu'une partie de l'opinion serait contre car on aurait trop fait, et une autre partie car on n'aurait pas fait assez.

@Narduccio
+1

Le problème est aussi logistique, l'Europe dépend presque totalment de l'extérieur pour son approvisionnement en hydrocarbures (l'exception étant la Norvège), et il est difficile de compenser brusquement la suppression des flux venant de Russie (gaz, pétrole, charbon, méteaux).
Je vois passer (1) actuellement des pétroliers chargés de produis russes rafinés ou non, arriver plus ou moiins discrètement dans les ports européens, et cela révèle l'ambigüité, voire l'hypocrysie de la position européenne.

L'Allemagne (mais aussi l'Italie, la Slovaquie, la Hongrie, etc) est très dépendante des exportations russes, et ne peut pas se transformer suffisamment vite pour retrouver une autonomie de décision politique. Et comme l'économie allemande est le coeur de l'économie européenne, un crash allemand économique entraînerait un crash économique de l'UE, voire politique, et c'est la grande crainte de tous les politiciens au pouvoir en Europe, d'où toute les séries de demi-mesures pour manifester les protestations européennes contre l'invasion russe en Ukraine, et l'échéance de temps fixèe à de près de 2 ans pour atteindre le plein embargo sur la Russie : C"est le temps nécessaire pour réorganiser les flux (hydrocarbures, métaux), construire de nouvelles installations (dégazéification du GNL américain ou qatari) et s'adapter aux pénuries (campagnes d'économies d'énergie, modification des processus industriels de fabrication, création de réserves supplémentaires, etc).

Pour l'électricité, la sécheresse actuelle est un avertissement coûteux sur l'adaptation nécessaire de toute l'Europe à la tendance au réchauffement du climat terrestre. Si les prochains hivers sont secs, les Alpes ressembleront à l'Atlas marocain, et les pays dépendant de la fonte des neiges pour leur approvisionnement en eau seront obligés de se rationner, d'en importer, et leurs industries seront sinistrées, en particulier le tourisme.

Tiens, parlons-en du tourisme.
Combien de temps pensez-vous que nos pays pourront se permettre de faire fonctionner des installations à usage temporaire de masse (logements de vacance [campings, vilages de vacances, hotels saisonniers, etc], stations d'épuration surdimensionnées, aéroports, etc) utilisées par des personnes non-productives vivant sur leurs réserves financières ou à crédit (touristes en âge de travailler) ou de leur rente (retraités), par temps de restrictions d'eau et d'énergie, alors que les états sont déjà en déficits publics et le fonctionnement général engendre des protestations quand il n'y a pas ces restrictions ?

(1) Certes, je ne travaille plus, mais mes copains et ex-collègues me racontent ce qu'ils font. Pour les pétroiers chargés de produits russes, cela correspond à l'exécution de marchés passés avant la décision européenne de sanctionner la Russie. La discrétion les entourant est due aux refus de certains lamaneurs et marins des ports de s"occuper de ces navires (Rotterdam, Le Havre, Anvers, etc) quand ils ont appris la provenance et le contenu de ces cargaisons, rendant le déchargement impossible.

Salut!

Pour l'Allemagne et surtout l'Autriche, je peux faire le point.
J'ai un collègue de volley-ball qui a passé toute sa carriére chez le distributeur national d'électricité et il me dit que la question pour l'Autriche est moins de savoir SI nous aurons un blackout que QUAND nous aurons un blackout. En tout état de cause, certains Länder et communes on pris les devant: des tests ont été programmés (coupures de courant volontaire pour faire "ressentir" le blackout et voir où il reste des lacunes, campagnes d'informations etc). Le redémarrage du réseau sur une grande échelle n'a pas l'air simple (tous les frigidaires qui redémarrent en même temps) et donc on doit procéder par palliers, avec évidemment les structures essentielles en priorité. Donc, en gros, on doit se préparer pour un blackout de 2 semaines voire 3. Pour Vienne l'eau n'est pas un problème, elle vient des montagnes et elle descend toute seule, mais à la campagne, comme chez moi, cela signifie aussi plus d'eau et donc plus de toilette par exemple (vive les puits mais malheureusement comme personne n'y fait attention, certaines construction perturbent les flx souterrains).
Donc finalement quelques personnes se préparent, nous avons fait le plein de vivres, de bougies, de batteries et d'eau et nous avons 50L d'essence en réserve.
Sinon pour le gaz l'Autriche a les réserves pleines et, parait-il, des centaines de bateaux pleins de gaz liquéfié attendent que les prix remontent pour en livrer encore plus.
La facture a sans doute été très élevée, chez nous l'électricité et le gaz ont triplé (300%), mais on recoit des aides du gouvernement et de la région qui finance l'électricité (tout ce qui dépasse 11 ct pour les 4500 premiers kWh). Beaucoup de gens se sont rués sur les chauffages au bois et le bois de chauffage est devenu une denrée de luxe (heureusement l'Autriche en produit bcp de manière renouvelable). Quelques enseignes restent éteintes la nuit. Il parait même que la consommation d'électricité a diminué, mais bon le temps a été très clément aussi.
Donc on s'en sort pas mal je pense mais la dette va augmenter très sensiblement, surtout après le joyeux saupoudrage lors de la pandémie.

Concernant les solutions alternatives, notamment le chauffage, on commence à découvrir (soudainement) des nappes souterraines d'eau chaude un peu partout.
Les finlandais veulent chauffer des tonnes de sable à >500°C en été pour restituter la chaleur en hiver et je suis certain que plein de solutions vont voir le jour et quelques unes sortiront du lot.

Steph a écrit:

Salut!
Le redémarrage du réseau sur une grande échelle n'a pas l'air simple (tous les frigidaires qui redémarrent en même temps) et donc on doit procéder par palliers, avec évidemment les structures essentielles en priorité..

Tu n'imagines pas à quel point tu es dans le vrai !

Lorsque les Chemins de fer suisses ont vécu leur premier gros blackout, il leur a fallu plus de 3 heures pour relancer le réseau. Les premières tentatives ont été de tout reconnecter et, comme chacun voyait les voltmètres s'activer, tout le monde a redémarré en même temps, ce qui a provoqué un nouveau crash réseau.

Il a fallu plusieurs minutes aux gestionnaires du réseau pour simplement prendre conscience du fait que basculer toute la puissance d'un coup était ce qui provoquait les rechutes. En tirer les conséquences et organiser un retour par zones  et par palier a été facile à réfléchir.

Mais mettre cette décision en pratique a été une autre question !
Il a fallu d'abord aviser les concernés de NE PAS tout réenclencher dès le retour de la puissance mais de redémarrer tranquillement sans trop tirer de puissance et en attendant chacun son tour selon les ordres des régulateurs de trafic pour que les gestionnaires réseau aient le temps d'accompagner la montée en puissance.

Il n'y a qu'à Hollywood qu'on peut se contenter de basculer un gros connecteur avec plein d'étincelles façon Frankenstein !

Dans la vraie vie, c'est plus lent et plus complexe...

Steph a écrit:

Salut!
Le redémarrage du réseau sur une grande échelle n'a pas l'air simple (tous les frigidaires qui redémarrent en même temps) et donc on doit procéder par palliers, avec évidemment les structures essentielles en priorité..

Je peux parler pour la France. Dans un premier temps, RTE va gérer l'urgence. En fait, toutes les centrales nucléaires vont fournir leurs disponibilités. En fait, c'est simple, il y a 2 boutons poussoirs dans chaque salles de commande. Le premier pour dire : "nous sommes prêts à délivrer des MWh". Le second pour dire : "J'ai un besoin urgent de MWh". Dans certains cas, si on appuie sur ce second bouton, on passe un message téléphonique pour dire qu'on est dans un des cas où le besoin de MWh est primordial vis-à-vis du risque de fusion du cœur.

Et ce qui intéresse fortement RTE, c'est les centrales qui n'appuient sur aucun des boutons. Cela veut dire qu'elles ont loupé leur ilotage* et qu'elles vont redémarrer dans un délai qui dépend de leur avancement dans le cycle combustible (de quelques heures à 3 ou 4 jours). "ilotage" kescaco ? Il y a une séquence dans les automatismes qui fait qu'un réacteur qui perd le réseau va s'isoler automatiquement de ce réseau. C'est le transitoire le plus violent autorisé vis-à-vis de la sûreté et on le teste une fois tous les 5 ans. Bref, en quelques secondes la puissance fournie passe de 1450 MWh pour les réacteurs les plus puissants à 30 à 50 MWh. Et il arrive que certains réacteurs loupent ce transitoire. Du coup, il y a un arrêt automatique du réacteur, et la remise en puissance va prendre beaucoup plus de temps.

Dans un premier temps, RTE va remettre en liaison toutes les centrales disponibles pour réalimenter les réacteurs qui ont un besoin plus ou moins urgent d'électricité. Pendant ce temps-là, coté consommation, on réalimente en commençant par ce qui est prioritaire. Comme les hôpitaux qui découvriraient que leurs groupes de secours sont en panne... Les services des eaux, les télécommunications, les services de secours, ...

Et donc, on remonte le réseau de proches en proches en fonction de la puissance disponible. Effectivement, si on a une puissance disponible de 1000 MW et qu'on branche un réseau qui peut consommer 2000 MW, si tout le monde se branche en même temps, on mettra le réseau par terre.

Salut

Merci Narduccio pour tes précisions qui montre que la gestion d'une centrale électrique est extrêmement complexe et délicate, plus du moins que je ne pouvais l'imaginer.
je me pose la question au sujet de la relation avec l’électricité intermittente, certes, je sais que s'il y a une panne de secteur, les panneaux photovoltaïques sont en principe débranchés  du secteur localement, du moins, c'est ce que j'ai compris de mes propres onduleurs qui ne renverront pas dans le réseau du courant ne fut-ce que pour éviter que les employés ne se fasse électrocuter s'ils viennent y travailler.
Mais quid quand cela redémarre, les énergies intermittentes reprennent du service dans ce cas et la puissance rendue doit dépendre  du fait  s'il y a du vent ou du soleil, alors comment gérer efficacement ce problème ?

Le Vieux.

L'un des problèmes est qu'il s'agit d'une puissance dite "fatale" : on l'accepte sur le réseau, ou on se prive de toute la puissance disponible. Donc, il faut des moyens pour pallier l'intermittence. J'ignore les scénarii du RTE à ce sujet. Accepteraient-ils de brancher un réseau à 100% de renouvelables qui risquent de faire fluctuer le réseau pouvant entrainer son déclenchement par voltage bas ou élevé ? Ou voudraient-ils que chaque maille du réseau ait au moins une certaine puissance de pilotable pour maintenir la tension et la puissance ? Je n'ai pas la réponse.