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 Petite réflexion sur la Science

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PtitGG

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MessageSujet: Petite réflexion sur la Science   Petite réflexion sur la Science Icon_minitimeSam 23 Nov 2013 - 21:07

L'incertitude ou le combustible de la recherche
Par Etienne Klein, physicien 23 novembre 2013 à 16:13


En tant que physicien, l’évocation du mot «incertitude» m’inspire trois sortes de considérations. La première concerne ce qu’il est culturellement advenu du célèbre «principe d’incertitude de Heisenberg», apparu en 1927 lors de l’élaboration de la physique quantique. Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’il faudrait davantage «partager la science».

Soit. Reste que pour traduire la physique en phrases, il ne suffit pas de déposer ses messages ou ses résultats dans le langage ordinaire, car cela mène en général à leur travestissement, voire à leur trahison. Il faut d’abord effectuer un véritable saut, qui n’a rien à voir avec le saut à la perche où le sauteur, sauf accident, est le même à l’arrivée qu’avant. Le saut dont il est ici question ne peut être un simple déplacement : ce doit être une véritable transformation. Il ne s’agit pas de transporter la physique telle qu’elle est dans le langage tel qu’il est, mais de la «métaphoriser», de la traduire en un certain sens, en veillant à ne jamais faire perdre à ses concepts l’étrangeté qu’ils ont par rapport aux notions communes (ce n’est pas un hasard si «metaphora» signifie en grec «déménagement»). L’idée n’est donc pas de vulgariser la physique, mais de la déménager depuis son formalisme d’origine – les équations mathématiques – jusqu’au langage ordinaire.
Déménagement délicat

Cette opération de déménagement est à la fois délicate et essentielle. Délicate parce que les concepts de la physique sont encore plus fragiles que la porcelaine, de sorte que si on ne prend pas de précautions, on les casse. Essentielle parce que cette opération est un enjeu éthique : dès lors que notre façon de dire les choses détermine notre façon de les penser, si nous les disons mal, nous les penserons mal : nous ferons dire à la physique ce qu’elle ne dit pas et nous ne lui ferons pas dire ce qu’elle dit. Il faut donc travailler sérieusement à bien la comprendre et à bien la dire.

La question que je voudrais poser est donc la suivante : avons-nous bien su «déménager» le principe d’incertitude de Heisenberg ? En général, on le résume en disant qu’on ne peut pas connaître simultanément la position et la vitesse d’une particule quantique. Ce qui sous-entend que toute particule aurait une vitesse et une position bien définies, mais que la «méchante» physique quantique nous empêcherait de les connaître simultanément… Or, le formalisme de la physique quantique dit tout à fait autre chose : selon lui, une particule quantique n’est jamais un corpuscule, et elle ne peut donc se voir attribuer les propriétés – une vitesse et une position – que la physique classique attribuait à ce type d’objets. Ce mal dit, qui fut peut-être aussi un mal entendu, a eu des conséquences philosophiquement désastreuses. À cause de lui, on répète à l’envi que le monde quantique serait un monde «flou» ou bien que la physique quantique limiterait notre pouvoir de connaître… Bref, on en est venu à croire que la physique quantique aurait non pas changé la nature des objets physiques, mais seulement notre capacité à les connaître… Cela constitue un joli contresens. Car ce que dit la physique quantique, ce n’est pas que les objets quantiques sont des objets classiques aux propriétés incertaines, mais qu’ils sont d’autres sortes d’objets que les objets classiques…

Malheureusement, une fois qu’une erreur s’est ainsi enkystée dans le langage commun, elle y prend ses aises et gagne en puissance. Alors je veux voir dans cette histoire une morale, qui est celle-ci : quand il s’agit de mettre en mots la physique contemporaine, il est important de bien choisir son entreprise de déménagement…
Ignorance

Mon second point concerne le lien dialectique que l’incertitude établit en science entre l’ignorance et la connaissance. Ignorer qu’on ignore, ce n’est pas savoir. C’est même ne pas savoir du tout. Savoir qu’on ignore, c’est vraiment savoir, car cela suppose de savoir tout ce qui est su, et donc d’être capable de détecter les trous dans la connaissance, de déceler ses manques, ses incertitudes et ses lacunes. Croire savoir sans savoir, telle est en somme la vraie pathologie du savoir. C’est pourquoi l’ignorance est la grande affaire des grands savants, plutôt que celle des ignares : savoir ignorer, ce n’est pas ignorer le savoir, mais savoir ce qu’il ne contient pas, et constamment l’inquiéter. En somme, c’est faire de la science.

De nouveaux savoirs peuvent ainsi accroître l’ignorance : grâce à une découverte, on comprend qu’on ne savait pas qu’on ne savait pas et, d’un coup, les perspectives changent, l’horizon de la connaissance se reconfigure, et des révolutions deviennent envisageables, voire nécessaires. Elles s’accompagnent d’hésitations, de fulgurances, d’emballements, d’erreurs qui, parfois, ouvrent des perspectives si fécondes que le bilan rétrospectif qu’on peut en faire est ambivalent. Ainsi, à la fin des années 1920, la thèse selon laquelle l’électron et le proton suffisaient à rendre compte de la totalité de la matière était acceptée par presque tous les physiciens de premier plan, Einstein en tête. Mais les années qui suivirent ne cessèrent de leur donner tort : de nouvelles particules furent détectées les unes après les autres, quasiment à une cadence d’essuie-glace.

Aujourd’hui, alors même que plusieurs centaines de particules ont été découvertes grâce aux accélérateurs et aux collisionneurs de particules, les physiciens viennent de comprendre qu’ils ignorent la nature des éléments principaux du mobilier ontologique de l’univers : grâce à des observations astrophysiques permettant notamment de déterminer la densité moyenne de l’univers, ils ont constaté que la matière telle qu’ils la connaissent ne constitue qu’une part très faible du contenu de l’univers, et que tout le reste leur échappe... Ils savent qu’ils ne savent pas et, bien sûr, cette connaissance certaine qu’ils ont de leur ignorance devient source de motivation pour de nouvelles recherches. L’incertitude agit ainsi comme une force motrice qui dope la dynamique des savoirs en construction.
Défiance

Troisième et dernier point, de portée plus générale : l’incertitude, qui me paraît avoir toujours été le lot de la condition humaine, devient aujourd’hui l’élément fondamental de la relation entre la société et le monde scientifique et technique. Nous comprenons que nous ne pouvons pas connaître à l’avance toutes les conséquences de nos actes : «L’homme sait assez souvent ce qu’il fait», avertissait Paul Valéry, «mais il ne sait jamais ce que fait ce qu’il fait». D’où une sorte d’effroi collectif qui conduit désormais à la valorisation de l’incertitude comme défiance par rapport à ce que l’on sait ou fait, au point que l’idée d’une absence de maîtrise de l’innovation en vient à remplacer l’idée d’un progrès qui serait toujours positif.

Cette tendance, qui a ses raisons, mériterait toutefois d’être inquiétée par le retournement de l’argument qui l’alimente : nous ne savons pas non plus ce que fera ce que nous n’aurons pas fait…

L’incertitude : une autre manière de savoir ?

Venez débattre dimanche 24 novembre à 20h, à l’Hôtel de Région de Lyon avec Jean-Claude Ameisen, biologiste, Patrick Boucheron, historien et Etienne Klein, physicien.


Dommage que je ne sois pas à Lyon Mad
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Anthracite

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MessageSujet: Re: Petite réflexion sur la Science   Petite réflexion sur la Science Icon_minitimeSam 23 Nov 2013 - 21:22

Bof, si l'on veut expliquer à tous, il faut bien donner une image la plus simple possible...
Or, une image n'est jamais qu'un aspect...
Quant à Wink la physique quantique et son incertitude, disons qu'elle est incertaine...
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