La France et le Rwanda

Coucou !

J'ai appris que la France, par l'intermédiaire de son président, a reconnu sa responsabilité dans le génocide du Rwanda.

Mais quelqu'un peut-il m'expliquer la genèse de cette situation ?

Quels étaient les circonstances historiques qui ont créé les liens entre les gouvernement français et rwandais dans les semaines, mois et années qui ont précédé ce génocide et qui permettraient de comprendre pourquoi la France a agi comme elle l'a fait, le cas échéant, quelle analyse aurait du attirer l'attention du gouvernement français et l'amener à, par exemple, se désengager avant que tout parte en vrille ou à intervenir pour éviter cette catastrophe humaine ?

Ce qui me surprend, c'est le lien entre la France et le Rwanda qui est décrit comme ayant été colonisé par les Allemands, puis les Belges. Alors, qu'y faisaient les Français ?

Merci et bonne fin de semaine !!

Je te dirais bien d'aller voir ce sujet sur Passion-Histoire : Rwanda. Mais, la chronologie initiale n'y apparait pas clairement. Bon, tout cela commencerait par un accord de coopération militaire entre la France et le Rwanda signé en 1975.

Dans le rapport Duclert sur le Rwanda, c'est raconté ainsi :

Citation :

Qu’est ce qui conduit la France à s’engager au Rwanda ? Ce petit pays de la région des Grands Lacs n’est pas une ancienne colonie française. Il ne s’est intégré que récemment aux pays dits « du champ » qui sont les partenaires privilégiés de la France en Afrique. Les accords de coopération qui le lient à la France sont limités. C’est la Belgique, ancienne puissance coloniale, et non la France, qui est le premier partenaire économique du Rwanda.La réponse est sans doute à chercher du côté du sommet franco-africain qui s’est tenu du 19 au 21 juin de la même année à La Baule.Le président François Mitterrand, dans un discours qui sert de référence pour les années à venir, propose aux chefs d’état invités, au nombre desquels se trouve le président du Rwanda Juvénal Habyarimana, un nouveau modèle de partenariat. La France soutiendra dans tous les domaines, y compris militaire, les pays qui évolueront vers des formes démocratiques de gouvernement. Ce sera l’arrière plan de la transaction qui est offerte au président du Rwanda en 1990 : l’intervention forte et le maintien de l’armée française sur le sol rwandais en échange d’une évolution profonde de la gouvernance du pays2. Le président Habyarimana a rencontré au mois d’avril précédent le président français à Paris et lui a demandé un soutien militaire face aux incidents qui ont lieu à sa frontière nord3. Il fait partie des chefs d’état africains qui commentent positivement le discours de François Mitterrand4. échanger un soutien militaire contre une politique de démocratisation et de respect des droits de l’homme : dès les dernières semaines d’octobre 1990, des voix s’élèvent en France et au Rwanda pour juger cette stratégie risquée, voire impossible en raison des manquements graves du régime de Kigali en matière de droits de l’homme et des violences ciblées dont sont victimes les Tutsi. Le choix, cependant, est fait au plus haut niveau de l’état de la mettre en œuvre. Le chapitre qui suit décrit la façon dont les décisions d’intervenir au Rwanda et de s’y maintenir sont prises et mises en œuvre entre octobre 1990 et janvier 1991. Il repose sur des fonds d’archives d’inégale amplitude. Le fonds de la présidence du président Mitterrand, déposé aux Archives nationales, est le plus significatif. Y sont conservées notamment des notes soumises au président Mitterrand par ses conseillers pour l’Afrique et les membres de son état-major particulier. Elles permettent de cerner le moment des prises de décision et les représentations qui les sous-tendent. Les archives de l’Élysée suggèrent par ailleurs que la politique menée au Rwanda ne fait pas consensus. Certains conseillers relayent les hésitations, avertissements, inquiétudes qui se font jour dans divers cercles. Il y a aussi dans ces archives la trace d’interventions venues du Rwanda et notamment de visites ou d’appels téléphoniques du président rwandais à son homologue français. Rien ne permet de savoir si les documents dont nous disposons reflètent l’ensemble du processus de décision. Il ne fait aucun doute cependant que les choix sont faits à l’Élysée par le président en personne et que l’état-major particulier, en liaison avec le conseiller pour les Affaires africaines et malgaches, est la cheville ouvrière de la politique menée au Rwanda. Cependant, les ministères des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Défense, ainsi que l’état-major des Armées, qui sont chargés 37
38de mettre cette politique en œuvre développent leurs propres analyses. Faute d’archives accessibles, il est difficile de saisir les réticences du ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement. En revanche on trouve la trace des actions et des interrogations des militaires en poste au Rwanda qui rendent compte à l’état-major à Paris. Les papiers du ministère de la Coopération illustrent plutôt l’engagement de la France, son action diplomatique dans la région des Grands Lacs et le détail de l’aide militaire qu’elle apporte au Rwanda. Les télégrammes et messages diplomatiques envoyés par l’ambassadeur et l’attaché de défense en place à Kigali, lus à l’Élysée comme à la Défense ou à l’état-major, informent Paris sur les demandes du président Habyarimana et donnent à comprendre les motivations et les représentations qui se trouvent derrière les actes. Les dossiers de la direction des Affaires africaines et malgaches au ministère des Affaires étrangères permettent de replacer le Rwanda dans le cadre plus vaste de la politique africaine de la France. Ils permettent aussi de comprendre la position des chefs d’état du Zaïre, de l’Ouganda et du Burundi sur la question rwandaise, ou du moins ce qu’ils veulent bien en dire à leurs interlocuteurs. Enfin ces archives conservent la trace des contacts du FPR avec les autorités françaises, les avertissant dès octobre 1990 que le régime du président Habyarimana se livre à des exactions ciblées envers les Tutsi et que ce régime n’est pas un partenaire fiable pour une politique de démocratisation du pays

Bref, pour résumer, le président du Rwanda accepte de démocratiser son régime en échange d'un soutien militaire de la part de la France. Mais, de nombreux experts pensaient que c'était un marché de dupes.

Mais, si tu veux tout comprendre, il faut lire les 992 pages du rapport : La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994)

Bonne lecture.

Salut

Je n'ai jamais suivis les événements qui se passaient au Rwanda, mais je sais qu'ici on dit que la Belgique porte une très lourde responsabilité de ce qui s'est passé là-bas. Durant la période coloniale, l’administration Belge aurait favorisé une ethnie plutôt qu'une autre et en quelques sortes, monté les unes contre les autres. Un peu dans le même genre de ce qu'on fait les Anglais en Inde entre hindous et musulmans ce qui a conduit à la création du Pakistan et du Bangladesh, même si les situations ne sont sans doute pas vraiment comparables, mais le résultat est que des ethnies ou groupes religieux qui s'entendaient plus ou moins entres elles, se sont royalement détesté ensuite. La plupart des belges ont eut conscience de toute l'ampleur du désastre qu'après avoir appris que 10 para Belges se sont fait massacrés et ce serait à cause d'une erreur de commandement (peut être Français ? ), bien sur c'est triste pour les familles des commandos, mais à coté des centaines de milliers de morts d'africains, cela parait dérisoirement malheureux.

Le Vieux

En fait, les analyses génétiques tendraient à démontrer qu'il n'y a pas 2 peuples, mais qu'il s'agit d'ethnies culturelles à partir d'une même population originelle qui se serait partagée entre des éleveurs et des cultivateurs, mais avec des métissages continuels. Ce seraient donc les belges qui auraient créé les hutus et les tutsie en gravant dans le marbre des différences culturelles et en leur donnant une authenticité raciale en fonction de ce qu'on pensait à l'époque.

La page Wiki sur le Rwanda explique assez bien l'origine de cette création de différence.

J'ai commencé à lire le rapport, il est très intéressant !
Reste 900 pages...

Tu as terminé l'introduction ?

Oui !

J'ai suivi d'aussi près que possible les évènements au Rwanda (alors que j'étais en poste à Nîmes-Garons) parce que mon frère a été envoyé dans les pays voisins pour accompagner les avions (KC 135 et Mirage IV) chargés de renseigner l'état major français sur la situation et de ravitailler les troupes. Il n'a pas mis les pieds au Rwanda, et les pilotes n'ont rien raconté de marquant aux mécanos comme lui.

En 2015, j'ai fait partie des officiers de liaison français chargés de faciliter la vie des délégations diplomatiques étrangères lors de la COP 21. J'étais chargé de la délégation rwandaise.

J'ai eu de très bon contacts avec le premier secrétaire de l'ambassade (qui m'a invité chez lui) et avec son Excellence l'ambassadeur (et j'ai compris tous le sens de l'expression "être diplomate"). J'ai appris beaucoup de chose de leur part sur ce qu'il s'était passé, beaucoup de choses qui n'avaient pas été divulguées en France à l'époque (en encore maintenant), je suis tombé des nues, et ils ont pu se rendre compte de ma bonne foi (et de mon dévouement).

Par contre, la ministre rwandaise des affaires étrangères a été parfaitement froide, hautaine et hostile à toutes les occasions durant son séjour (Kagamé était en froid avec la France, avec des enquêtes judiciaires de part et d'autre à l'encontre de responsables de l'autre bord): Un cauchemar pour moi. Heureusement, un diplomate de haut rang a pris le relai pour mettre les petits plats dans les grands pour la délégation rwandaise (plus l'interlocuteur est de haut rang, plus cela montre le respect porté).

Kagamé tenait Mitterand et les socialistes pour responsable (et Kouchner au mieux pour un benêt, au pire pour un égoïste criminel), Flamby (le président français du moment, son vrai nom m'échappe) et Ségolène (ministre "Madame De" et ZE-ex du précédent) )en faisaient partie.

Post Scriptum:
Pour l'ouverture de la COP 21, Paris a été "bouclée" très tôt le matin, avec beaucoup de rues interdites à la circulation, des motards de la police par centaines, et des flics (CRS, mobiles, inspecteurs) par milliers. En accompagnant la délégation rwandaise en véhicule diplomatique, j'ai eu l'honneur et la surprise de découvrir des rues et places emblématiques de Paris vides: La Concorde, les Champs Elysées, les Tuileries...
Je ne pouvais pas imaginer que ça ne serait plus du tout extraordinaire 25 ans plus tard.