Lait Cru contre Lactalis : 1-0

Une bonne nouvelle pour une fois dans la presse. Vous vous souviendrez de la polémique de l'an dernier à propos de ces industriels qui ne voulaient plus faire leur camembert "au lait cru" sous la double pression de l'hygiénisme ambiant et de l'optimisation des coûts de production.

Depuis, je n'ai plus acheté un seul camembert Lepetit, et pour le camembert que j'achetais en fromagerie ou au Monoprix, j'éliminais systématiquement ceux qui ne portaient explicitement la mention "au lait cru".

Eh bien il semble que je n'ai pas été le seul

http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/09/27/lactalis-ferme-sa-fabrique-de-camemberts-lepetit-de-sainte-marie-aux-anglais_1100345_3234.html#ens_id=1096299

Le Monde a écrit:

AGROALIMENTAIRE UN ÉCHEC DE LA TECHNIQUE DU LAIT THERMISÉ
Lactalis ferme sa fabrique de camemberts Lepetit de Sainte-Marie-aux-Anglais
LE MONDE | 27.09.08 | 14h12 • Mis à jour le 27.09.08 | 14h12
CAEN (Calvados) CORRESPONDANT

Mythe national, le camembert perd l'une de ses plus célèbres fromageries, nichée au cœur de la Normandie profonde. Lactalis, deuxième groupe laitier mondial et premier fromager européen, fermera, d'ici à la fin de l'année, le domaine de Saint-Maclou, à Sainte-Marie-aux-Anglais (Calvados).

On y fabriquait des camemberts au lait cru depuis 1872, jusqu'au début 2007. Depuis cette date, Lactalis avait imaginé un camembert de Normandie avec un lait non plus cru, mais légèrement chauffé. Mal leur lui en prit. Cette nouvelle technique dite du lait thermisé - adoptée pour des raisons sanitaires, afin de tordre le cou à la fameuse listeria - n'a pas rencontré le succès espéré auprès des consommateurs. Surtout, elle a été critiquée par les défenseurs du véritable camembert au lait cru. Un crime de lèse-majesté, selon eux.


LA BATAILLE DU LAIT CRU

La bataille du lait cru s'est soldée par la défaite de l'industriel. Publié au Journal officiel du 18 septembre 2008, le décret relatif à l'appellation d'origine contrôlée "camembert de Normandie" prévoit l'obligation d'utiliser du lait cru, ni thermisé ni microfiltré. Avec des critères de production du lait renforcés, davantage de vaches de race normande, la réduction du maïs dans l'alimentation du troupeau. "Les dirigeants de Lactalis ont joué au poker et ont perdu. La chute des ventes est, avant tout, liée à l'abandon de la véritable AOC en mars 2007", estime Philippe Lepetit, dernier membre de la famille fondatrice à avoir dirigé la fromagerie augeronne avant son rachat par Lactalis en 1978.

Dix ans plus tard, Michel Besnier, fondateur du groupe Lactalis, engage un incroyable pari : le moulage des camemberts au lait cru ne se fait plus à la main, mais à l'aide d'un robot.

Son usine ultramoderne de Saint-Maclou, capable de fabriquer 80 000 camemberts par jour, réalise alors le quart de la production de camemberts AOC. Les contraintes du lait cru, un produit difficile à travailler, auront eu raison de cette aventure industrielle.

"La violence des attaques a semé le doute chez un certain nombre de consommateurs. En outre, la forte hausse du prix du lait nous a handicapés", rétorque Luc Morelon, le directeur de la communication de Lactalis.

Quarante-six salariés de la fromagerie de Saint-Maclou se verront proposer un reclassement dans d'autres usines voisines du groupe. Vingt-trois autres resteront sur le site, afin d'assurer la gestion de la collecte laitière. Car Lactalis se refuse, pour l'instant, à abandonner le camembert Lepetit. Mais il sera fabriqué ailleurs.

Jean-Jacques Lerosier
Article paru dans l'édition du 28.09.08