Vaste problème que celui de l'histocompatibilité qui en fait n'est pas encore tout à fait résolu du point de vue des connaissances physiologiques.
Le premier système de compatibilité tissulaire connu et détaillé fut celui des groupes sanguins (le sang est un tissu parmi tant d'autres). Les hémaglutinines, marqueurs protéiques déterminants les groupes sanguins à la surface des hématies sont une découverte ancienne du point de vue de leurs propriétés mais leur définition biochimique et structurale n'est pas si ancienne que ça. Je ne reviendrai pas sur le principe de fonctionnement des hémaglutinines et le fait de mélanger deux sangs de groupes différents provoquera l'agglutination puis la lyse des hématies.
Je préfère revenir sur la compatibilité entre individus des autres tissus. En fait on sait depuis très longtemps que les greffes d'individu à individu sont des procédés extrèmement dangereux mettant en jeu le pronostic vital des patients. Les premières tentatives connues de greffes humaines datent du Moyen-Age et le cas le plus intéressant fut celui d'un baron ayant perdu une jambe sur le champ de bataille. Le médecin de ce baron tenta de remédier à cette amputation en prélevant la jambe d'un combattant fraîchement décédé au cours de la même bataille. Comme on peut l'imaginer, le greffon ne survécut pas malgré des sutures vasculaires "primaires" et la gangrène qui s'en suivit tua également l'infortuné baron.
Comme chacun sait maintenant, la première greffe médicale a été pratiquée dans les années 60 par le professeur africain Barnhard qui procéda à la première greffe de coeur de l'histoire moderne. Hélas, le patient ne survécut pas bien longtemps à cette greffe qui se solda par le rejet total du greffon. A cette époque encore récente on ne connaissait pas encore bien les facteurs d'histocompatibilité, on soupçonnait l'existence d"un système complexe mettant en jeu des déterminants cellulaires impliquant le système immunitaire des individus mais sans pouvoir réellement déterminer la probabilité qu'un donneur soit compatible avec le receveur.
Dans les années 1970 une découverte majeure fut faite, ce fut la description chez l'animal puis chez l'homme du Complexe Majeur d'Histocompatibilité (CMH). Ce CMH a été isolé et décrit très précisément, il s'agit d'un polymère protéique transmembranaire de très haut poids moléculaire situé à la surface de toutes les cellules de l'organisme, sauf à la surface des hématies. Il s'agit donc d'un gros complexe protéique constitué de plusieurs sous-unités qui s'enchâsse dans la membrane plasmique de toutes les cellules. Or, on remarqua très vite que ce complexe comportait de très fortes variations d'un individu à l'autre, on appela très vite le CMH "déterminant du soi". Pourquoi ces variations ? Les progrès de la biologie moléculaire et de la génétique ont permis de comprendre le phénomène.
Les sous-unités protéiques du CMH sont codées par des gènes situés sur différents chromosomes mais de façon innocentes. Les sous-unités du CMH sont codées par des gènes mosaïque dont les combinaisons d'exons et de motifs déterminent le type de déterminant. Par l'héritage génétique de nos parents, nous conservons dans le noyauu de nos cellules un peu de l'identité moléculaire de nos géniteurs. Les gènes codant pour la détermination du soi ont autant d'importance qu'ils viennent de notre père ou de notre mère. C'est leur combinaison qui déterminera notre identité moléculaire. Il est assez difficile d'expliquer la formation du CMH sans schémas mais je ne doute pas que vous puissiez trouver sur internet une illustration de ces phénomènes très complexes.
Chez l'homme, la notion de CMH a rapidement évolué vers le système HLA (Human Leucocyte Antigen) car on s'est rendu compte bien vite que les leucocytes, cellules circulantes du système immunitaire sont impliqués dans les phénomènes de compatibilité tissulaire. Les leucocytes (et d'autres cellules mais le terrain est aussi très vaste) sont autant de petits policiers qui vont "contrôler les papiers" des cellules présentes de l'organisme. Les leucocytes possèdent à leur surface des récepteurs pour vérifier que celles-ci azppartiennent bien à l'individu (on peut reprendre à juste titre ici l'image de la clé avec la serrure). Si les leucocytes reconnaissent une cellule ou un tissu comme faisant partie du non-soi, celles-ci déclencheront une cascade de réactions et attaquent visant d'abord à neutraliser l'intrus puis à le détruire (par la mobilisation entre autre de cellules tueuses, les cellules NK ou Natural Killers).
Alors pourquoi pouvons-nous quand même échanger quelques morceaux avec certains de nos semblables ? La réponse est simple, le nombre de combinaisons possibles pour la construction du CMH est limité, et ^grâce à la constitution de banques tissulaires on s'est très vite aperçu que les individus pouvaient répartis en groupes puis-sous-groupes permettant d'affirmer avec confiance la probabilité de compatiilité tissulaire entre individus.
Lgda, tu n'étais pas loin de la vérité quand tu pensais que les groupes pouvaient être ainsi répertoriés : HLA-1, HLA-2... En fait utilise d'abord une lettre de l'alphabet puis chaque sous-goupe est ensuite déterminé par un nombre. Par exemple, dans mon domaine, celui du SIDA, on sait désormais que le fait d'appartenir aux sous-groupes HLA-B27 et B57 est un bon pronostic d'évolution de l'infection à HIV. Autant dire que le nombre de familles et sous-familles HLA est incroyable (j'ignore moi-même précisément le nombre). Autant dire que la probabilité de trouver un individu compatible avec soi est quand même très basse ! Et bien sur, c'est au sein de sa propre famille que cette probabilité est la plus importante.
Dans certains cas, afin d'augmenter les chances des patients en attente de greffe, on proposera de procéder à la greffe d'organes d'un donneur appartenant à un groupe ou sous-groupe HLA voisin partagant de très nombreuses caractéristiques et afin de pallier à cette approximation, on prescrira au receveur des molécules atténuant la réactivité du système immunitaire afin d'éviter les réactions de rejet, ces molécules sont le plus souvent des corticoïdes à forte dose et la cyclosporine dont les effets indésirables sont hélas assez importants.
A l'heure actuelle en France, le taux de survie sans rejet à 5 ans à la suite d'une greffe d'organes en France est de 85 %.